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L’Algérie est en faveur d’une zone exempte d’armes de destruction massive dans la région

NESA Center Alumni Publication
Dr. Arslan Chikhaoui

Expert en Géopolitique et membre, du Conseil Consultatif d’Experts du World Economic Forum et est partie prenante dans divers Task Forces ‘Track 2’ du système des Nations Unies (UNCSR 1540).
1 Décembre 2022

L’Algérie vient d’être élue en qualité de vice-présidente de la 27e session de la Conférence des Etats parties à la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, qui se déroule à La Haye du 28 novembre au 2 décembre 2022.

En effet, la politique de l’Algérie est en faveur d’une “zone exempte d’armes de destruction massive” dans la région MENA et Sahel ainsi qu’en Méditerranée. La position de l’Algérie sur, aussi bien, le  désarmement nucléaire que la prolifération des armes de destruction massive (ADM) devrait être comprise dans le contexte, d’une part, de l’engagement du pays à la fois en faveur de la non-prolifération nucléaire et de la lutte contre le terrorisme CBRN (chimique, biologique, radiologique et nucléaire), en Afrique du Nord et dans la région du Sahel, et, d’autre part, son développement d’un programme nucléaire purement civil.

Par ailleurs, en tant qu’Etat de l’espace  MENA et Sahel, l’Algérie est engagée dans la lutte contre le financement, l’acquisition et la diffusion des armes de destruction massive.Cette position est liée à un certain nombre de raisons historiques et politiques: l’Algérie a souffert et continue de souffrir des effets des essais nucléaires français de 1962-1963 au Sahara (In-Ecker et In Salah notamment), et des mines antipersonnel disséminées par l’administration coloniale depuis 1956 le long des lignes de défense militaire Challe et Morice bordant l’Algérie et son voisinage. De plus, bien que non couverts par les conventions sur les ADM, les Algériens ont subi des attaques avec des armes chimiques  incendiaires (napalm) pendant la guerre d’indépendance (1954-1962). Aussi, au cours des années 1990, des organisations terroristes ont tenté d’utiliser des agents biologiques pour contaminer les barrages et chateaux d’eau du centre du Pays.

Il est clair que non seulement la non-prolifération des ADM dans la région MENA et Sahel est dans l’intérêt de l’Algérie mais que par ses actions elle soutient une telle démarche.

Il est utile de rappeler que le gouvernement algérien avait examiné, le 2 décembre 2020, la création d’un comité national d’évaluation des risques du financement de la prolifération des armes de destruction massive, du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme. Cet outil réglementaire et technique doit  permettre à l’Algérie d’atteindre les standards internationaux en tant que partie à la Convention sur les armes biologiques et toxines (BTWC) signée en 1975, au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (NPT) signé en 1995,  et à la Convention sur les armes chimiques signée en 1995, ainsi que de mettre en oeuvre les recommandations du Groupe d’Action Financière Internationale (GAFI). Ce comité est chargé, en particulier, d’élaborer la stratégie de lutte contre ces trois menaces malveillantes. Cela s’ajoute à la décision du Président de la République de mettre en place, le 13 juin 2020, l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire dédiée à la veille stratégique et à l’alerte en matière de sécurité sanitaire. Toute cette démarche des autorités algériennes contribue à sensibiliser les acteurs politiques et la Société Civile aux menaces chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires (CBRN).

La prise de conscience des menaces malveillantes d’acteurs non-étatiques liées aux armes CBRN a commencé au début des années 90. Selon des sources publiques, la première tentative d’attaque en Algérie en 1994 visait à contaminer les réservoirs d’eau potable à l’aide de la toxine botulique. De plus, plusieurs rapports d’organisations internationales et de think tanks indiquent que les filiales d’Al Qaïda ont fait de multiples tentatives de manipulation de poison, de gaz, d’agents biologiques et de matières radioactives, et qu’elles disposeraient de camps de formation spécialisés dans le domaine biologique et chimique. Les autorités algériennes ont dû rester vigilantes face au terrorisme CBRN précisément parce que l’Algérie a été confrontée à ces nombreux fléaux sournois. Cependant, par rapport à ceux créés dans le domaine nucléaire, les contrôles nationaux des matières biologiques et chimiques sensibles demeurent insuffisants. Bien qu’il existe déjà un contrôle obligatoire de qualité sanitaire assuré par des agences nationales et internationales spécialisées réglementant l’importation et l’exportation de produits alimentaires et pharmaceutiques, le renforcement des capacités préventives, scientifiques et judiciaires pour lutter contre la menace de prolifération chimique et biologique des réseaux VEO devra certainement  continuer à évoluer.

Avec sa stratégie de diversification de son économie pronant le développement industriel, l’Algérie va devoir incontestablement compléter son corpus réglementaire pour empêcher l’éventuelle acquisition par des VEO d’armes biologiques et chimiques. Les multiples décisions laissent entendre que l’Algérie se penche sur cette situation pour le renforcement des capacités dans ce domaine avec l’établissement de lois et de réglementations concernant la mise en oeuvre de l’importation, l’exportation, la détention, l’achat et le transport d’agents pathogènes et de toxines.

La menace de bio-terrorisme, décrite comme une menace de troisième génération, est sans nul doute prise en compte. L’Algérie estime, cependant, que la réponse doit être coordonnée et mobilise par conséquent un large éventail de ressources humaines et matérielles, et implique plusieurs acteurs.

En somme, il est clair que non seulement la non-prolifération des ADM dans la région MENA et Sahel est dans l’intérêt de l’Algérie mais que par ses actions elle soutient une telle démarche. L’Algérie a déjà signé et ratifié le traité de Pelindaba, établissant une zone exempte d’armes nucléaires sur le continent africain et a participé depuis 2009 à la création du Comité africain sur le mécanisme de conformité et de vérification de l’énergie nucléaire. En outre, l’Algérie se conforme à la résolution 1540 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, selon laquelle elle travaille de manière continue sur une législation nationale régissant tous les aspects de la prolifération des ADM. La création d’une zone exempte des ADM dans la région MENA et au Sahel est un principe partagé et l’Algérie soutient toute initiative qui chercherait à étendre une telle zone si cela était jugé utile par tous les États.

En ce qui concerne les menaces CBRN, il ressort des différentes déclarations dans les Fora internationaux que l’Algérie entend renforcer le développement de la coopération internationale et régionale sur les points suivants:

  • Mise en place de la législation et la réglementation nécessaires pour prévenir et combattre les risques et accidents nucléaires, biologiques et chimiques conformément aux normes de défense CBRN;
  • Renforcement des capacités en réponse à une attaque malveillante CBRN potentielle;
  • Sensibilisation à l’importance du principe 3S (Sûreté, Sécurité, Sauvegarde).

Il est incontestable que l’Algérie est consciente que la région MENA et Sahel présente un environnement politique complexe pour le contrôle des armes CBRN. Cependant, il existe un terrain commun productif pour des échanges et la coopération. Il est par conséquent indéniable que l’Algérie soutient le potentiel de dialogue régional de la Conférence d’Helsinki proposée et, en tant qu’État de la région MENA, Sahel et Méditerranée, elle participe à promouvoir une zone de sécurité et de sûreté régionale.

La diplomatie scientifique en tant qu’héritage des quatre sommets sur la sécurité nucléaire (NSS) demeure un élément clé de la sensibilisation aux menaces liées aux ADM et à l’importance du principe 3S ainsi que la non-prolifération.

 

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