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L’Algérie au centre de la politique africaine des Etats Unis à l’Ere d’une nouvelle dynamique géopolitique (Analyse)

NESA Center Alumni Publication
Dr. Arslan Chikhaoui

Expert en Géopolitique et membre, du Conseil Consultatif d’Experts du World Economic Forum et est partie prenante dans divers Task Forces ‘Track 2’ du système des Nations Unies (UNCSR 1540).
22 Novembre 2022

A l’occasion de sa récente  conférence de presse, Madame l’Ambassadeur des Etats Unis à Alger, Moore Aubin,  a déclaré que: “….notre coopération sécuritaire et notre guerre commune contre le terrorisme sont la pierre angulaire de nos relations bilatérales, ainsi les deux pays œuvrent à la consécration de la stabilité et à la réalisation de la prospérité en Afrique du Nord et dans la région du Sahel.”   Elle a, egalement, rappelé l’existence d’un dialogue stratégique et de pourparlers directs entre l’Algérie et les Etats-Unis concernant l’Afrique et la région du Sahel et que les deux pays sont concernés par la lutte contre le fléau du terrorisme et de l’extrémisme dans la région, et “œuvrent au déploiement d’efforts pour parvenir à la création d’une stabilité économique afin que ses peuples vivent en paix.”

Par ailleurs et au sujet de la question du Sahara Occidental, Madame  l’Ambassadeur a affirmé que : “… les Etats-Unis partagent la même vision avec l’Algérie en soutenant la solution politique sous les auspices des Nations Unies et l’envoyé personnel du Secrétaire Général onusien, Staffan De Mistura et que 47 ans de statu quo est une longue période”.

En effet, les déclarations de Madame l’Ambassadeur des Etats Unis d’Amérique fait suite suite à différentes  visites officielles de hauts responsables de l’Administration Americaine dans la région depuis la crise pandémique du covid-19.

Ceci étant dit, il est utopique de penser que les fondamentaux de la politique étrangère des Etats Unis d’Amérique sont modifiés au grè des Présidents qui se succèdent quelle que soient leur appartenance partisane. Etant conçue aussi bien par la Maison Blanche que par le Département d’Etat, le Département de la Défense, le Conseil National de Sécurité, et les différentes agences de renseignement, le tout sous des rapports de forces et d’influence des différents puissants lobbies, il me semble que quelques ajustements y sont apportés en tenant compte de la nouvelle Ere marquée, particulièrement, par les conséquences de la crise pandémique du covid-19, par des crises sociétales et communautaires, par des conflits d’intensités variables et par la déclinaison politico-économique qui touchent l’Europe, notamment, et qui s’est matérialisée par le Brexit, par la gestion de l’épidémie du Coronavirus et par la crise politico-militaire Russo-ukrainienne.

Traditionnellement la conception de la politique étrangère des Etats Unis d’Amérique est faite de sorte à centrer la politique de sécurité sur un axe Nord-Sud et de créer une zone américaine de coopération, incluant l’Amérique Latine, la Sibérie, l’Océanie, et une partie de l’Afrique. Au travers du décryptage des différents discours politiques, on pourrait comprendre que la sécurité nationale des Etats Unis n’est plus pensée en termes strict de calcul militaire. Je n’en suis pas si convaincu. Sachant que la prérogative d’une puissance influente est de pouvoir gérer son environnement externe, les sources de la force et de l’influence américaine étant au nombre de Quatre : Puissance militaire, Influence diplomatico-culturelle, Indépendance relative en ressources naturelles, Compétitivité dans le commerce international. A mon sens, en ce qui concerne les deux premières sources, les Etats-Unis d’Amérique continueront à montrer leur volonté d’utiliser leur force militaire, ce qui consolidera l’influence diplomatique (équilibre relatif entre Soft Power et Hard Power). Quant aux deux dernières sources, elles visent la reconquête par la stratégie du “circumscribed engagement – engagement circonscrit”.

Partant de ces principes fondamentaux, les Etats-Unis d’Amérique devraient concentrer leurs activités de politique étrangère et leurs entreprises économiques et commerciales dans une “zone de coopération” définie par deux sous-ensembles, le “bloc hémisphère occidental” qui correspond à l’ensemble du Continent Américain, et l’“aire d’intérêt spécial” correspondant à l’Afrique et la Méditerrannée qui, au demeurant, sont les zones d’intérêt commun pour l’Algérie.

Le “bloc hémisphère occidental” constituerait un contrepoids commercial face à l’Europe et au Japon par l’encouragement du libre échange et en augmentant l’approvisionnement des Etats-Unis d’Amérique en minerais stratégiques à partir de l’Amérique Latine. Cette stratégie économique a été adoptée par le Président Bush dans le cadre de l’“Enterprise for the Americas” poursuivie par les présidents Clinton, puis Obama et Trump. De mon point de vue, le Président Biden ne fait que continuer  dans cette voie.

L’“aire d’intérêt spécial” considérée comme proche du bloc, est choisie pour ses ressources naturelles et sa complémentarité sur le plan économique. Dans la vision stratégique américaine, le “bloc hémisphère occidental” pourrait présenter à l’Afrique une alternative au partenariat traditionnel de l’Europe. Comme l’Amérique, par sa population, possède de nombreux liens avec l’Afrique, elle entend plus que jamais, les valoriser et approcher l’Afrique autrement que pendant la guerre froide ou durant la période unipolaire qui s’en est suivie; les Organisations de Société Civile (OSC) jouant un rôle primordial à cet égard. C’est pour cela qu’une nouvelle attitude américaine envers l’Afrique est présentement  observée par l’administration Biden.

L’intérêt des Etats-Unis d’Amérique pour l’Afrique augmenterait au fur et à mesure que l’Europe abandonne sa “chasse gardée” mais surtout pour contenir la propension de la Chine, laquelle a opté pour un ‘Smart Power’, combinant la diplomatie économique et commerciale et la diplomatie scientifique. Il y a lieu de considérer que dans la vision géoéconomique et géopolitique américaine future, l’Europe et le Japon sont rivaux, la Chine un concurrent au sens le plus large du terme et la Russie une menace.

Selon nombre d’observateurs avertis, les priorités géostratégiques des Etats Unis d’Amérique en Afrique sont d’abord de s’assurer une possibilité de projeter leur puissance dans tous les recoins de la planète, et de ce fait de disposer de bases militaires. Comme les Etats-Unis d’Amérique dépendent de la liberté et de l’ouverture des voies maritimes ainsi que d’une puissante flotte de haute mer pour leur approvisionnement en matières premières et leur vitalité économique, ils seront toujours concernés par l’accès aux ports et le passage des détroits. Par conséquent, l’attention sera concentrée sur les quelques pays africains sous couvert d’une coopération globale « Win-Win » et dont le poids se fait ressentir en matière de production de pétrole, de gaz et de minerais et de terres rares, de lignes de communication maritime et de prolifération d’équipements militaires. Il s’agit dans ce cas, notamment, de l’Afrique du Sud, du Kenya, du RD Congo, du Zimbabwe, du Nigeria, de l’Ethiopie, de la Libye, du Maroc, et de l’Algérie.

L’administration Biden adopte présentement  une politique active en Afrique pour demeurer en adéquation avec les principes fondamentaux de la politique étrangère des Etats Unis d’Amérique. A mon sens, l’approche de l’administration Biden consiste à reconquérir la place de premier plan de partenaire commercial que la Chine à détrôné depuis plus de cinq ans sur le continent Africain. Elle s’appuierait incontestablement sur son allié stratégique le Royaume-Uni qui compte plusieurs pays africains comme membres du Commonwealth et d’autres qui ont émis le souhait d’y adhérer. Toutefois, les États-Unis d’Amérique sont le premier investisseur en Afrique, la Chine étant seulement en sixième place, un atout qui n’échappe pas à l’administration Biden pour assoir le positionnement à venir des Etats Unis d’Amérique.

S’agissant de l’aide au développement fourni par les Etats Unis d’Amérique au continent Africain, elle demeure modeste sans impact conséquent comparée à celle fournie à l’Afghanistan, Israël, l’Irak et l’Égypte.

Au regard de la stratégie de combattre sans relâche les Organisations Extrémistes Violentes (ISIS-Daesh, AQMI, Boko Haram, Al-Shabab, Etc), le Président Biden renforce, incontestablement, sa coopération avec les Pays de l’Afrique subsaharienne et de l’Afrique du Nord, en particulier avec l’Algérie dont l’expertise de lutte contre le terrorisme et le crime organisé est avérée. A mon sens, l’administration Biden fait de sorte à consolider voire renforcer les forces américaines en Afrique par la formation de forces de sécurité locales et par conséquent augmenter ses budgets.

Concernant l’Algérie, en particulier, il est claire que les relations bilatérales ne font  que se consolider sous l’administration Biden. Ceci est surtout conforté par l’engagement indéfectible de l’Algérie dans la lutte contre les Organisations Extrémistes Violentes dans l’espace Sahélo-Saharien,

la Non-Prolifération des Armes de Destruction Massive dans la région MENA, et ses efforts dédiés à sa contribution à la stabilisation de la région Afrique du Nord-Sahel par des processus de dialogue et de réconciliations politiques inclusifs (cas de la Libye et du Mali) et du soutien irrévocable et continu à l’autodétermination du Sahara Occidental. De plus, les relations économiques, notamment, dans le secteur de l’Energie, entre l’Algérie et les Etats-Unis d’Amérique qui ont traditionnellement été fluides ne peuvent être qu’un élément de convergence futur.

 

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