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LA GEOPOLITIQUE DES TERRES RARES : ENJEUX ET JEUX D’INFLUENCE EN MEDITERAFRIQUE

NESA Center Alumni Publication
Dr. Arslan Chikhaoui
Expert en Géopolitique et membre, du Conseil Consultatif d’Experts du World Economic Forum et est partie prenante dans divers Task Forces ‘Track 2’ du système des Nations Unies (UNCSR 1540).
20 Juin 2023

 

1. LE CONTEXTE

Dix-sept éléments du tableau périodique dénommés « terres rares » jouent un rôle majeur dans les calculs et les stratégies de diverses pays. A bien des égards, les terres rares sont les intrants de la société industrielle du 21ème siècle. Elles sont vitales pour des produits clés allant des produits de haute technologie (smartphones et moniteurs) aux systèmes de conversion d’énergie (éoliennes, panneaux photovoltaïques et machines électriques) et même militaires (lasers et radar). Les difficultés à les remplacer par des matériaux alternatifs font des terres rares des ressources stratégiques uniques. Parmi leurs nombreuses applications possibles, certains de ces métaux (par exemple, indium et gallium) sont importants pour la production de semi-conducteurs, qui représentent une pierre angulaire des industries de pointe d’aujourd’hui. La pertinence de ces métaux est devenue évidente au cours de la dernière année suite à une pénurie de production qui a eu de graves répercussions sur plusieurs secteurs. Précisément en raison de leur importance industrielle et stratégique, la production de semi-conducteurs est de plus en plus considérée comme un « impératif géopolitique », aggravé par les tensions persistantes entre les États-Unis d’Amérique et la Chine. Par conséquent, le sort des semi-conducteurs et des terres rares est étroitement lié à cette course mondiale croissante à la technologie et au leadership industriel. Ce n’est pas un hasard si, en 2019, le Président Chinois Xi Jinping a menacé de réduire les importations de terres rares en mesure conservatoire contre l’opposition des États-Unis à la compagnie chinoise « Huawei » et le différend autour des semi-conducteurs, accélérant finalement les contre-mesures de Washington pour réduire sa propre vulnérabilité.

Pour être précis, rappelons que les métaux de terres rares ne sont pas si rares que cela. Le cérium, par exemple, est plus abondant que le cuivre et des gisements de terres rares sont présents dans de nombreuses régions du monde. Ce qui définit ces éléments comme « rares », c’est leur faible concentration. Ils n’existent pas à l’état pur dans la nature mais sont toujours composés d’autres éléments. Bien que le marché des terres rares soit relativement limité en termes de volume, tout pays qui le domine jouit d’une influence géopolitique et d’un effet de levier significatifs sur les autres pays, étant donné l’importance des terres rares pour les industries alternative du futur.

En fait l’extraction des métaux de terres rares implique de surmonter deux défis. D’abord, pour extraire de minuscules quantités des 17 métaux de terres rares, il faut enlever de nombreuses tonnes d’agrégats et de roches. Sans contrôles rigoureux, cette opération est très polluante. Ensuite, arrive la séparation des métaux suivie de leur préparation pour les utiliser dans les aimants de forte puissance, la technologie laser ou le dispositif anti-contrefaçon des billets de banque. Ces opérations sont complexes et coûteuses et bien entendu la Chine peut fournir le produit fini pour 30 % de moins que n’importe qui d’autre. D’où le désintérêt du marché pour la prise en compte des considérations géopolitiques.

Il n’en a pas toujours été ainsi. La prédominance de la Chine est le produit de la décision des administrations américaines successives à partir de la fin des années 1980 de faire de la Chine le cœur de l’industrie manufacturière américaine. L’une des industries que les Etats-Unis d’Amérique ont déplacée à travers le Pacifique était l’extraction et le traitement des terres rares. Jusqu’à présent, les États-Unis jouissaient d’un monopole. En 2017, l’Union Européenne (UE) a formé l’alliance européenne des matières premières afin de commencer à se diversifier. À l’époque, la Chine lui fournissait 98 % de ses besoins en terres rares. Présentement, la Chine fournit toujours 90% des terres rares dans le monde. Toutefois, l’UE a noué deux partenariats stratégiques depuis la formation de l’alliance. L’un est avec le Canada et l’autre avec l’Ukraine. Le problème, c’est que le deuxième accord est compromis à cause de la crise politico-militaire Russo-ukrainienne qui dure depuis début 2021.

 

2. LA DYNAMIQUE DES DIFFÉRENTES NATIONS

La guerre en Ukraine a montré à quel point une dépendance excessive vis-à-vis d’un mono-fournisseur peut être fragile. La domination de la Russie sur le marché européen du gaz s’est transformée en « cauchemar » géopolitique en l’espace de quelques semaines. Imaginez si un seul pays fournit 90 % de besoins en produits essentiels et imaginez que ce pays est la Chine. En fait, ce n’est pas une illusion mais bien la réalité de la consommation galopante de métaux de terres rares en Europe !

Depuis la crise politico-militaire Russo-ukrainienne, la Méditerranée et son prolongement stratégique qu’est l’Afrique se sont révélé le théâtre de manœuvres politico-diplomatiques de puissances. L’ensemble constitue ainsi le premier des théâtres géopolitiques et par voie de conséquence, les enjeux sont à trois niveaux : stratégique, économique et écologique.

  • Les acteurs occidentaux

Les États-Unis d’Amérique plus que quiconque sont déterminés à minimiser leur vulnérabilité envers la Chine, une politique qui a été soutenue par les deux dernières administrations. En 2019, le Département Américain de la Défense a entamé des négociations avec le Malawi et le Burundi pour discuter du soutien à un certain nombre de projets afin d’assurer les futurs approvisionnements en terres rares à partir du continent africain.

L’Union Européenne est, également, déterminée à réduire sa dépendance quasi totale vis-à-vis de la Chine, qui pourrait autrement s’avérer un obstacle sérieux à la mise en œuvre du « Green Deal ». Alors que l’UE est désireuse d’accroître l’autonomie stratégique dans ce secteur en développant les gisements et le recyclage nationaux de terres rares, elle a également affirmé en septembre 2020 qu’elle était disposée à établir de nouveaux partenariats stratégiques avec les pays africains pour obtenir des approvisionnements supplémentaires.

D’autres acteurs, dont l’Australie et le Japon, souhaitent également accroître leur présence en Afrique. L’Australie, par exemple, bien que déjà le deuxième producteur mondial de terres rares, s’efforce en permanence de développer de nouvelles sources pour réduire la domination chinoise conformément aux intérêts de Washington. Deux sociétés australiennes sont actuellement impliquées dans des projets en Tanzanie (Ngualla Mining Project) et au Malawi (Makutu Project). Le Japon, quant à lui, soutient, depuis 2010, des projets africains de terres rares, par exemple en Namibie et en Afrique du Sud, par le biais de la Japan Oil Gas and Metals National Corporation.

  • La Chine, un acteur clé

La Chine, bien évidemment, ne sera pas en reste. Pékin est en passe d’accroître sa présence sur le continent africain pour garantir les futurs approvisionnements en terres rares pour mettre en œuvre ses ambitieux industriels de transition énergétique et technologique. Depuis 2018, la Chine a commencé à importer certaines terres rares en réponse à l’augmentation de la demande intérieure et à la suite de restrictions environnementales sur les pratiques d’extraction illégales. Pékin est donc certain d’agir pour sécuriser ses importations et de telles actions se joueront, incontestablement, en Afrique. La Chine est susceptible d’offrir des investissements et des financements dans les infrastructures en échange de ressources et de droits d’exploration minière et énergétique sur le continent africain. Le soutien et la finance de l’État étant indispensables au développement des ressources alternatives en terres rares, la Chine a une longueur d’avance grâce à son influence géoéconomique en Afrique, sa position de grand consommateur, sa mainmise sur l’industrie du raffinage et par-dessus tout sa coopération avec les pays africains sans imposer de conditionnalités politiques ou imposer des valeurs contraires aux us et coutumes traditionnels africains. Les États-Unis vont devoir donc offrir aux nations africaines des conditions sérieusement avantageuses s’ils ne veulent pas prendre du retard dans cette course effrénée aux terres rares, et doivent bien comprendre que contenir la domination chinoise dans ce secteur ne va pas être chose facile.

Il y a environ cinq ans, le monde dit « occidental » a commencé à prendre conscience de cette situation délicate et a décidé d’être proactif. Mais, alors que l’UE, le Royaume-Uni et les États-Unis d’Amérique s’efforcent de diversifier les chaînes d’approvisionnement en terres rares et autres matières premières critiques, ils découvrent que ce n’est pas si facile. L’importance de la maîtrise par la Chine des matières premières critiques est avérée. Il n’y a pas de transition verte, pas d’internet, pas de nano-recherche médicale, pas d’armement avancé, pas d’Intelligence Artificielle, pratiquement pas de solutions techniques aux problèmes planétaires, sans terres rares. Le père de la révolution économique chinoise, Deng Xiaoping, a compris leur importance et avait déclaré : « Le Moyen-Orient a du pétrole ; la Chine a des métaux de terres rares. »

Le marché est actuellement dominé par la Chine, qui produit environ 60 % des terres rares mondiales, en transforme et raffine environ 80 %, et est l’acteur central de la chaîne d’approvisionnement mondiale. Par ailleurs, le club des BRICS en cours d’élargissement en BRICS+ avec les intentions d’adhésion de nouveaux pays concentreraient environ 90% des ressources en minerais de terres rares. Les principales économies mondiales sont actuellement toutes trop dépendantes des importations chinoises : 80 % des importations vers les États-Unis et 98 % des importations vers l’UE proviennent de Chine. La crainte que des restrictions d’approvisionnement, voire des arrêts, ne causent de graves dommages aux économies, aux industries et aux plans de décarbonations conduit donc de nombreux pays à rechercher des sources alternatives. Les inquiétudes sont apparues pour la première fois en 2010 lorsque, pour des raisons politiques, Pékin avait annoncé l’arrêt des exportations vers le Japon. À l’époque, on estimait qu’environ 97 % des réserves mondiales de terres rares provenaient de Chine. La montée des tensions géopolitiques entre les États-Unis et la Chine alimente, également, les inquiétudes. La Chine a menacé à plusieurs reprises de réduire ou de bloquer les exportations de terres rares vers les États-Unis, ce qui a incité tous les pays importateurs à trouver de nouvelles sources de production afin de réduire la domination chinoise dans ce secteur.

  • L’essor de l’Afrique

Dans cette Ere nouvelle de recomposition des alliances géopolitiques, l’Afrique a une opportunité d’émerger en tant que région de production, ce qui est susceptible d’intensifier la compétition entre les acteurs mondiaux. Le continent africain abrite de nombreux gisements de terres rares, en particulier, dans les pays de l’est et du sud comme l’Afrique du Sud, le Burundi, le Kenya, le Madagascar, le Malawi, le Mozambique, la Namibie, la Tanzanie, et la Zambie mais, également, au nord tel que la région Sahelo-saharienne et l’Algérie. Néanmoins, dans l’état actuel des choses, l’Afrique n’a pas encore dépassée le stade du grand potentiel. La seule extraction actuellement en cours concerne le projet Gakara Rare Earth au Burundi et les gisements de Steenkampskraal en Afrique du Sud qui pourraient être mis en service sous peu. Un certain nombre de pays africains ont cependant commencé à mettre en œuvre des projets à différents stades, notamment, Afrique du Sud (Projets Glenover et Phalaborwa), l’Angola (Longonjo Project), le Madagascar (Tatalus), le Malawi (Kangankunde), le Mozambique (Projet Xiluvo REE), la Namibie (Lofdal Heavy Rare Earths Project), l’Ouganda (Makuutu Project), et la Tanzanie (Ngualla Rare Earth Project).

L’aire d’intérêt commun à cheval entre la Mer Méditerranée, l’Afrique du Nord et l’Afrique sub-saharienne dénommé « Mediterafrique » en 2011 par le World Economic Forum (WEF) lors de sa réunion annuelle de Davos, est devenu courtisée, notamment, pour ses ressources minières nécessaires à la transition énergétique et est devenue le terrain de jeux d’influence. En toile de fond, se joue surtout une guerre d’influence entre les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et l’Afrique du Sud), les États-Unis et l’Union européenne. Selon Statista (portail statistique en ligne allemand), Pékin s’est érigé au fil des années comme partenaire de choix pour l’Afrique. Si l’UE reste encore le premier partenaire commercial du continent africain, en 20 ans, la Chine s’est imposée comme le principal fournisseur de marchandises pour plus de 30 pays africains, ainsi que le premier investisseur étranger en Afrique. Depuis 2013, Xi Jinping a d’ailleurs lancé le projet des nouvelles routes de la soie, avec lequel Pékin s’investit et investi dans les pays émergents, en particulier en Afrique, pour construire de nouvelles infrastructures.

Il ressort de l’analyse prospective des experts du WEF en 2011 que les nouvelles élites du continent africain seront de plus en plus réticentes à consacrer leur énergie pour favoriser la coopération avec le Nord et plutôt se concentrer sur le développement Sud-Sud. Il avait été mis en exergue le fait que la Chine contribuera incontestablement au renouvellement et au développement des infrastructures dans la région. En partie entraînée par des investissements massifs et la demande croissante en provenance des pays BRICS et du Conseil de Coopération du Golfe (CCG), les entreprises d’Afrique du Nord et les entrepreneurs seront au centre du développement de nouveaux liens régionaux. Par conséquent, la rive Sud de la Méditerranée se positionnera comme une passerelle clé à la croissance rapide des marchés émergents en Amérique Latine, en Asie et en Afrique. Les experts du WEF avaient précisé qu’à partir de 2020, l’Afrique deviendra l’histoire de la croissance surprise. Poussés par des investissements soutenus et la demande en provenance d’autres marchés émergents, plusieurs pays d’Afrique subsaharienne entraîneront l’ensemble du continent vers une plus grande intégration économique. La communauté d’affaires de l’Afrique du Nord se joindra inévitablement à ce processus. L’Europe, quant à elle, deviendra de plus en plus repliée sur elle-même tandis que l’économie de l’Est et du Sud de la Méditerranée deviendra la principale plaque tournante pour le commerce africain, en pleine croissance, et les investissements. Grâce à ces marchés potentiels nouveaux et dynamiques, les pays nord-africains se désintéresseront progressivement des initiatives de l’UE. La région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), à ce moment, commencera à atteindre une stabilité relative. Avec l’augmentation de la coopération Sud-Sud, une nouvelle identité sud-méditerranéenne se développera et la région s’érigera en puissance des marchés émergents de plus en plus influents avec de nouvelles élites gouvernantes bien consolidées.

S’agissant de l’Algérie, en particulier, durant les quarante dernières années l’économie du pays a toujours été rythmée par la production et les prix du gaz et du pétrole. Par voie de conséquence, la transition énergétique avait des difficultés à se mettre en route. Depuis 2020, la relance du développement et la valorisation du domaine minier, en général, et du secteur minier, en particulier, ont été effectives. En ce sens, que l’Algérie a décidé d’exploiter les ressources minières disponibles et avérées pour contribuer à l’économie et l’industrie alternatives. En effet, les analyses métallo-géologiques faites par les instituts de géologie et, notamment, le USGS, des différents environnements géologiques du pays ont montré qu’ils sont potentiels pour la disponibilité des minéralisations suivantes : métaux précieux (or, argent) ; pierres précieuses et semi-précieuses (diamant, topaze, béryl,…) ; métaux de base (zinc, plomb, cuivre) ; métaux ferreux et non-ferreux (fer, manganèse,…) ; éléments du groupe platine (platine, palladium, iridium,…) ; métaux rares (REE) ; minéraux industriels (phosphate, baryte, bentonite, diatomite,….) Si on regarde de près, l’important potentiel minier varié de l’Algérie demeure insuffisamment exploité. Son développement devrait s’articuler autour de trois axes. Le premier, est le lancement à court terme des projets phares et structurants qui permettront la mise en place d’une nouvelle industrie de transformation et la valorisation des ressources minières, il s’agit des gisements de fer, de phosphate, de Zinc, de Plomb et de Manganèse. Le second, est d’achever les projets de mise en valeur de certains gisements de minéraux industriels qui sont toujours importés par le pays, le Carbonate de Calcium micronisé, et la Bentonite. Le troisième concerne les matières nobles et rares dont les gisements sont repérés sur différentes régions du pays. Il s’agit de la mise en valeur des gites et gisements de produits miniers mis en évidence par les différents programmes de la recherche minière dans le cadre de la stratégie de promotion et du développement du secteur minier algérien.

3. DÉPENDANCE AUX TERRES RARES

Dans cette nouvelle dynamique, l’UE tente de riposter. En effet, en décembre 2022, Ursula von der Leyen a dévoilé le projet « Global Gateway », qui doit mobiliser 300 milliards d’Euros de financements publics et privés dans les pays émergents pour développer des infrastructures. La stratégie consiste surtout à faciliter l’exploitation de grandes réserves de terres rares très peu exploitées détenues par plusieurs pays comme l’Algérie, le Burundi, le Gabon, la Tanzanie et d’autres. L’Europe tente d’échapper à sa dépendance de la Chine sur ces minerais de terres rares et d’accéder à des ressources minières indispensables à la transition énergétique comme le cobalt, le cuivre, le lithium, le strontium, etc.

La Chine suit une démarche bien établie d’accès aux ressources en échange de la construction d’infrastructures. Elle souhaite avant tout acquérir la matière brute et non transformée. L’enjeu pour la Mediterafrique est de développer une économie de la transformation des minerais ce qui en ferait un facteur de croissance inclusive.

Il est indéniable que les chaînes d’approvisionnement des métaux industriels, en général, ont été optimisées pour répondre à la demande de manière compétitive, dans les délais et dans le respect des spécifications. La collaboration autour de la transition climatique, les questions de restrictions commerciales et les tensions géopolitiques n’étaient ni des obstacles majeurs ni des moteurs clés. De nouvelles dynamiques mondiales ont accéléré la transition énergétique et placé, pour la première fois, l’industrie métallurgique et minière sous les projecteurs géopolitiques, lui accordant une attention très particulière qui était généralement accordée au secteur pétrolier et gazier. C’est notamment le cas pour l’extraction et le traitement des métaux nécessaires à la production et à la transmission des technologies énergétiques propres, comme le cuivre, l’aluminium, le zinc, le cobalt, le lithium le nickel, le strontium, etc. La demande de métaux clés est à la hausse, par exemple, selon la Commission Européenne, de la demande de lithium de l’UE devrait être multipliée par douze d’ici 2030 et par vingt et un d’ici 2050. Tout cela se produit dans un contexte d’offre limitée (les nouvelles mines nécessitent environ une décennie pour être développées) et avec des installations de transformation concentrées en général en Asie et en particulier en Chine.

Les initiatives multilatérales et bilatérales visant à sécuriser l’approvisionnement, telles que le partenariat pour la sécurité des minéraux piloté par les États-Unis ou la Loi sur les matières premières critiques de la Commission Européenne, auront un impact sur les opérations de l’industrie, remodèleront les chaînes d’approvisionnement et créeront de nouvelles opportunités et défis commerciaux. Le leadership de l’industrie va devoir développer les compétences nécessaires pour surfer à travers les lignes de faille géopolitiques et opérer dans un terrain de jeu instable avec une exposition accrue aux perturbations potentielles dues à l’instabilité politique, au souverainisme des ressources et aux différends commerciaux.

Présentement, l’exploitation des ressources minières du continent Africain est faite par d’autres et produit de la richesse qui ne reste pas sur le continent. L’enrichissement des populations locales est un problème majeur de gouvernance. Par exemple la RDC, le Mozambique, le Tchad, le Mali, et le Niger qui regorgent de ressources naturelles minières sont en incapacité de délivrer à leurs populations un minimum de services sociaux de base. Exploitation par des pays tiers des ressources minières, gouvernance locale défaillante et conflits d’intensité variable qui minent le continent africain sont les facteurs de tension et de guerre des terres rares.

 

4. CONCLUSION

Dans ces jeux d’influence, celui qui favorisera la création de la valeur ajoutée, en imposant un pourcentage de traitement des minerais bruts et de transformation dans le pays d’origine et en améliorant la formation et le transfert de compétences sera accueilli favorablement à bras ouverts. Il est clair, que plus de deux générations depuis des indépendances, il ne pourrait être indéfiniment question pour le Sud de vendre ses matières premières en échange de biens manufacturés, s’accordent à dire ses élites gouvernantes.

Incontestablement la transition énergétique dans le monde industrialisé est confrontée à une transition générationnelle et de gouvernance des pays détenteurs des ressources minières clés. Toute la dynamique et l’enjeu de la géopolitique des terres rares se jouent à ce niveau. Le Président Rwandais Paul Kagame avait déclaré en 2019 : « L’Afrique n’est le prix à gagner ou à perdre pour personne. Il est de notre responsabilité, en tant qu’Africains, de prendre en charge nos propres intérêts et de développer notre continent à son plein potentiel. » Cette posture est largement partagée par les élites gouvernantes des pays du continent Africain.

Le démarrage de nouveaux projets est actuellement entravé par les lois du marché, qui présentent des défis tels que des coûts élevés, la nécessité d’investissements importants et des considérations d’acceptabilité politique, environnementale et sociale. Le facteur décisif derrière la prédominance de la Chine dans la production et le raffinage à l’échelle mondiale, plus encore que la disponibilité immédiate des gisements nationaux de minerais de terres rares, a été la volonté politique claire et décisive du pays de développer le secteur par le biais de politique industrielle et des subventions de l’État. Bien que l’émergence de sources alternatives en dehors de la Chine puisse être découragée par les conditions du marché, les développements pourraient bien être tirés par la politisation croissante des terres rares, un facteur qui renforce rapidement leur importance stratégique et incite les importateurs à accroître leur soutien aux nouveaux projets d’extraction.

Les matières premières critiques sont un vecteur géopolitique majeur des transitions numérique et verte. Les pays qui développent l’industrie alternative « minéralivore » dans leurs efforts pour diversifier leurs relations, vont devoir adopter une approche coopérative à plusieurs niveaux. Compte tenu du fait que la politique et la géopolitique devienne de plus en plus les « drivers » de l’économie, la question demeure ouverte quant au façonnage de cette approche : Sera-t-elle une approche de coopération partagée ou de confrontation ?

 

 

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